Ma mer

 

Mes mains frottent doucement le blé

Je ressens les grains qui s’effritent dans ma paume

L’été comme une pépite

J’ai enfin atteint les grands aulnes

Mes pieds s’enfoncent dans la terre encore humide

L’air et frais

Ma migraine s’estompe

Je cours direction le soleil

Vers sa lumière, j’accours, sans honte

 

Surtout ne pas se retourner

Surtout ne pas crier

Rester serein, ne rien voir

Avancer dans la plaine

Oublier la fumée

Oublier le feu sous le soleil noir

Oublier les bombes

Penser à Rimbaud

Et aux formes rondes

Et oblongue de ses alexandrins

 

Réciter une poésie

Et courir, courir droit devant moi

Courir vers toi qui es là bas

Oublier le tac-a-tac démoniaque des fusils

Oublier le bruit des balles

Et les cris des salles de torture

Où hurlent les ombres des corps démembrés

Je cours dans ces champs cultivés

Encore immaculées de la haine des hommes

Grenade dégoupillée

Odeur acre, acide et amer

Mes poumons me brulent

Je crache, je racle ma gorge, mais je cours

Comme un bateau ivre

Je repense à Rimbaud

 

Dernière pensée

Enfin, je la vois, elle est là

La mer, ma mère

Oublier tous les monuments éloquents

Devant cette immensité flamboyante

Tout redevient petit à l’infini

Comme elle est belle brillante et scintillante

Sous le soleil couchant

Elle me tend les bras

Quand je renais en elle

Sensation de froid et de douceur

Quand mes poumons se nettoient

En se remplissant de toi.                  

 

Peter. Bervore         Texte écrit en 2018

Ma mer
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