Je dessine des cœurs sur la vitre de ce train

Du bout des doigts, je dessine des cœurs sur la vitre de ce train

À travers elle, j’aperçois ton reflet

Tes petites mains collées contre la vitre glacée

La buée, le givre me cachent ton sourire crispé

J’entrevois la figure de ta mère aux yeux embués par les larmes

Ainsi que les visages de craies de tes petites sœurs

Rongés par la peur et la terreur

J’ai envie d’arrêter ce train

J’ai envie de vous serrer contre moi

De vous prendre dans mes bras

D’entendre battre vos cœurs à l’unisson contre le mien

De retrouver la fusion, l’union de ma famille

J’aimerais pouvoir arrêter ce train

Arrêter ces bombes qui pleuvent sur ma ville

Qui brûlent et détruisent mon pays

Lancées par une nation où vivent mes frères

Arrêter le crépitement des fusils tenus par mes anciens amis

Arrêter les armes tenues par d’autres pères

Attends encore un peu, il n’est pas si tard

J’aurais voulu encore t’aimer avec passion

Sans contrefaçons, sans le temps des canons

Sans comprendre le pourquoi des avions qui déchirent le ciel

Sans la fumée, sans le bruit des chars

J’aimerais comprendre la raison

De cette guerre qui n’en a pas le nom

Mais les champs brûlent avant la moisson

Dans une odeur âcre de poison et de fiel

Je n’ai plus le choix, je ne vais pas me terrer dans un trou

La raison l’emporte je ne peux mourir à genoux

Je ne peux mourir sous mon toit couché dans mon lit

Je ne peux mourir sous l’oppression

J’ai déjà connu la corruption

J’ai déjà fait la révolution

J’ai fait le choix de vivre libre, debout en démocratie

J’ai fait le choix pour que mes descendants ne connaissent pas la répression

Au revoir, ma femme et mes enfants

C’est sans armes que j’espère votre retour

C’est sans armes que j’espère à nouveau connaître le temps de l’amour

Mais j’ai à peine le temps de crier : ya tebe lyublyu (je vous aime)

Que déjà le train s’éloigne dans un bruit de fer et d’acier

Laissant mon bras s’armer pour la liberté

Peter. Bervore           Texte écrit en 2022